Tout le monde commet des erreurs. On prend parfois de mauvaises décisions, on efface un fichier par erreur, on comprend mal une consigne. Les erreurs sont pénibles, gênantes et font perdre du temps. Elles font pourtant partie de la vie au travail : il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font jamais d’erreur. On parle ici de l’erreur sous sa forme non-intentionnelle.
Pour autant, en France, le fait de s’interdire le droit à l’erreur est profondément ancré dans notre culture. À l’école déjà, l’erreur est assimilée à une faute, elle engendre de mauvaises notes, de mauvaises appréciations, et installe dans nos esprits une petite voix : “il ne faut pas se tromper”.
Plus tard, dans le monde de l’entreprise, ce qui compte c’est avant tout de réussir, en évitant à tout prix de faire des erreurs. Et lorsque les entreprises réfléchissent à la notion d’erreur, c’est pour les éviter.
Il a fallu attendre les années 1990 pour voir apparaître une nouvelle compréhension de l’erreur qui invite à la cultiver : l’erreur apprenante. Est-ce une utopie ou une réalité ?
Pourquoi et comment apprendre de nos erreurs ?
Une erreur représente une opportunité d’apprentissage qu’il faut saisir. Au travail, des études montrent que 70 % de ce que nous apprenons est le fruit de nos échanges sur les problèmes à résoudre. Faire des erreurs est ainsi une manière de monter en compétences. Aussi, se tromper peut permettre de régler un problème à sa source, car bien souvent, une erreur récurrente cache des causes plus profondes. Alors, comment changer notre rapport à l’erreur, concrètement ?
Ne pas craindre l’erreur
La crainte de commettre des erreurs entraîne une recherche excessive de sécurité et empêche de se créer des opportunités. Elle entrave la créativité et l’innovation. En restant dans sa zone de confort, on risque de stagner voire de régresser. Il en va de même pour les décisions. Par peur de faire le mauvais choix, et à force de peser le pour et le contre, nous mettons trop de temps à nous décider ou ne décidons rien. Il faut pourtant prendre des décisions pour avancer.
Puisque la peur de l’erreur est souvent le reflet d’une croyance bien ancrée en nous, le simple fait de lire et de s’informer sur ce sujet ne suffira pas à la contourner. Se dire que l’erreur est positive ne suffira pas : il faut le voir pour le croire. Regardez alors dans votre vécu : souvenez-vous d’une erreur récemment commise, qui aujourd’hui vous apporte du positif, parce que vous en tirez les bonnes leçons. Par exemple, si vous avez fait une erreur de recrutement, car vous avez minimisé un aspect de la personnalité du candidat, vous serez beaucoup plus vigilant à l’avenir. Vous ne referez plus cette erreur, ce qui vous permettra désormais de mieux vous entourer. L’erreur a parfois un coût, mais elle a aussi, et surtout, un gain. Plus vous l’expérimenterez de cette manière, moins vous en aurez peur.
Reconnaître ses erreurs
Montrez-vous proactif par rapport à vos erreurs en les reconnaissant sincèrement. Vous désamorcez ainsi les reproches et vous donnez plus de chances au problème d’être résolu plutôt qu’aggravé. Il s’agit d’admettre sa responsabilité, pour se donner la chance, non seulement à soi-même, mais aussi aux autres, de ne pas reproduire l’erreur dans une situation similaire.
En identifiant et en admettant ses erreurs à temps, il est encore possible de limiter les dégâts. De plus, en partageant son erreur, on donne l’occasion aux autres de rechercher, avec nous, une solution satisfaisante. En effet, la créativité et l’intelligence collective sont des atouts d’autant plus utiles lorsqu’une erreur survient. Pour ça, il faut que l’erreur soit bien accueillie, et non pas sanctionnée.
Faire de la culture de l’erreur une réalité : la responsabilité du manager
Aujourd’hui, les organisations ont compris qu’elles devaient donner le droit à l’erreur. Certaines en ont fait leur culture, à travers leurs valeurs, mais combien la mettent en pratique, concrètement ? Pour que la culture de l’erreur se vive et se voit sur le terrain, elle doit être pratiquée par chacun et chacune. C’est pour cela qu’elle doit être encouragée et sécurisée par les managers. Comment faire, concrètement ?
Donner l’exemple
Le manager peut montrer l’exemple, en reconnaissant spontanément ses propres erreurs, et en signalant très clairement le potentiel de progression qui peut en découler. Il s’agit de pratiquer soi-même ce qu’on attend des autres. Résultat : chacun se sentira confiant face au traitement de ses potentielles erreurs. Le fait d’incarner cette culture va inspirer les collaborateurs à faire de même. C’est comme ça qu’un changement individuel se transforme en culture collective.
Créer le climat propice à l’erreur
La responsabilité du manager est bien de favoriser l’honnêteté, en créant un climat d’accueil. C’est dans sa communication interpersonnelle qu’il peut activer ce levier. Face à un collaborateur qui partage une erreur, le manager doit savoir apprécier l’honnêteté de son interlocuteur en la reconnaissant : “c’est bien que tu me parles de cette erreur, on va pouvoir réagir”. Ensuite, c’est en recherchant avec son interlocuteur des solutions, plutôt que des sanctions, qu’un manager démontre qu’on peut compter sur lui pour avoir un regard constructif sur l’erreur.
De manière plus proactive, le manager peut créer un moment dédié dans sa réunion d’équipe hebdomadaire, pour faire un tour de table des erreurs apprenantes : “Quel est votre “epic fail” (votre “loupé”) de la semaine, comment vous en êtes-vous sorti, et qu’avez-vous appris, ou comment l’équipe peut-elle vous aider ?”
Modéliser la gestion de l’erreur
Chaque “epic fail” est une opportunité d’amélioration continue. C’est le rôle du manager, de prendre le temps et le recul nécessaire pour analyser le contexte de l’erreur. Pour cela, il doit réussir à « dé-personnifier” l’erreur. À partir de là, il est intéressant de s’assurer que les leçons tirées aient bien une répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise au quotidien. En faire profiter l’ensemble des équipes permettra de modéliser de nouvelles façons de faire, plus performantes.
Enfin, aux États-Unis, il semblerait que la culture de l’erreur apprenante puisse être une réalité. Pour avoir côtoyé des entrepreneurs là-bas, j’ai pu constater que ceux-ci avaient une vision différente de la performance, mais avec un point commun : ils avaient tous échoué plus d’une fois avant de réussir dans leur entreprise, et c’est ce qu’ils revendiquaient fièrement. On ne peut pas réussir sans avoir échoué d’abord. Bien plus qu’une utopie, c’est une réalité possible, ici aussi.